lundi 6 juin 2011

Les savants de Manu Joseph


Nous sommes fin mai/début juin 2011 et déjà les nouveautés à paraître pour la prochaine rentrée littéraire (septembre 2011) arrivent dans ma boite aux lettres. Oui, je le sais, je suis une privilégiée et à ce titre je savoure ma chance d'être membre dans deux jurys pour des sélections littéraires de grosses librairies.

Le premier titre à tomber entre mes mains est celui de Manu Joseph : "Les savants" aux éditions Philippe Rey. Je ne résiste pas longtemps aux plaisir de lire cet ouvrage et voilà ce que j'en retiens après une brève présentation.

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L'auteur :

Manu Joseph est journaliste.
"Les savants" est son premier roman, déjà traduit dans une vingtaine de pays. Il a été remarquablement accueilli par la critique partout. (Hummm, à voir avec moi car même si je ne suis pas critique littéraire de profession, je reste une grosse lectrice à séduire ! Ne m'a pas qui veut !!! lol)

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Ce que l'on peut lire en quatrième de couverture :

Aujourd’hui, en Inde, on ne dit plus « intouchable » mais dalit. Un mot, toutefois, suffit-il à changer la donne ? Ce n’est pas l’avis d’Ayyan.
D’un côté, du sien, une pièce minuscule partagée avec sa jeune épouse et son fils dans une exécrable cité de la banlieue de Bombay, tandis qu’il exerce un emploi de secrétaire dans un institut de recherche de haut vol. De l’autre extrémité du spectre social, à l’Institut, les savants, les « brahmanes » et, avec eux, tous les nantis et leurs femmes inaccessibles, le regardent de haut. Alors, à l’époque où le petit peuple indien, conscient de sa supériorité numérique, acquiert un pouvoir politique de plus en plus important, Ayyan a une idée… Son fils, Adi, est brillant.
Pourquoi ne pas donner discrètement un coup de pouce au destin, ne pas compenser les injustices de la naissance et du système des castes ? Fort de ce qu’il apprend à l’Institut en écoutant aux portes, Ayyan entretient le mythe d’un petit génie dalit… Qui, dans ces chassés-croisés, ces jeux de pouvoir, ces mensonges plus ou moins assumés, remportera la partie ? A coup sûr, le lecteur, emporté par la prose simple et efficace, à l’humour acerbe, d’un romancier indien qui appelle un chat un chat et se moque des faux-semblants de ses compatriotes.

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Ce que je peux vous en dire après lecture :

L'Inde est un pays qui m'est totalement inconnu et c'est par le biais d'Ayyan ainsi qu'avec les autres protagonistes de ce premier roman étranger que j'ai pu découvrir, un peu au-delà des clichés, une société qui se veut de plus en plus occidentalisée, mais encore largement engluée dans ses traditions et son passé.
Exotisme, dépaysement, mais l'ensemble est tout sauf low-cost ! Ayyan, notre guide principal, ne veut point se brader, il a conscience de sa valeur et de celle de son fils, Adi (qualifié de petit génie et enfant handicapé car sourd d'une oreille). On ne peut pas vraiment lui donner tort car le système des castes ainsi que la loterie des naissances ont bloqué le chemin de la réussite à trop de véritables hommes et femmes, si ce n'est de génie, de qualité tout au moins. Il est temps de réparer les injustices, de remettre les éléments à leur juste place, d'être enfin lucide et clairvoyant. Enfin tout ceci est assez facile sur le papier car dans les faits, c'est autrement plus complexe.
L'homme n'est pas bon par nature, du moins, ses actes de manière générale ne le laisse pas vraiment supposer même si les bonnes volontés ne manquent pas non plus. Disons donc que Manu Joseph résume cela assez bien en écrivant : "Car ce que tout homme voulait vraiment, c'était être plus important que son voisin."
Il ne faut surtout pas être du côté des loosers ! Cependant Ayyan, trop porté par ses griefs de petit secrétaire est allé loin, très loin ! Il aurait dû stopper sa machine infernale bien plus tôt, mais il n'a pu s'y résoudre et a tenté sa chance jusqu'au bout.
A trop vouloir changer le court des évènements, on risque fort de se faire dépasser par ces derniers. Reste pourtant qu'un retour à la "normalité" peut être insupportable. Pire que la mort ! L'immobilité n'est-elle pas plus terrible encore que la fuite en avant sans contrôle ? Question de perception et de tempérament sans doute. A vous de voir où vous vous situez.

Comme dans la vraie vie, on oscille dans ce texte entre le sordide, la joie, la légèreté, l'intelligence, la bêtise, la beauté, la laideur… etc. C'est la comédie humaine version indienne bien loin de Bollywood, de ses paillettes, de ses chansons, de ses histoires d'amour qui se terminent en véritables contes de fées.
Cet ouvrage se lit aisément, avec plaisir et pour un premier roman, on se dit que voici un auteur plein de promesses. Il a gardé la simplicité du style journalistique, mais c'est assez étoffé pour que l'on parle alors de littérature. Un juste compromis.

J'ai aimé le regard d'Ayyan (mais aussi celui des autres protagonistes qui prennent le récit en main tour à tour) qui n'est pas toujours tendre (loin de là même) avec ses semblables alors que lui-même n'est point parfait. C'est tout au moins comme cela que je l'ai perçu.
"L'Homme est un loup pour l'Homme" et ce que l'on découvre à travers les sites, les lieux où évoluent les protagonistes de ce récit, ne contredit pas cette expression. Chacun tirant la couverture à soi. Ces luttes intestines sont risibles, ridicules, mesquines et inutiles. C'est contre productif et pourtant banal. Je trouve que l'on touche là quelque chose de plus global et que l'on ne peut pas seulement appliquer à l'Inde. C'est d'ordre planétaire. Le monde marche sur la tête et il serait temps d'y remettre de l'ordre.

Dans "Les savants", on aborde des sujets graves comme les épouses immolées par leurs époux. Pratique d'une cruauté sans nom !!!! Comment cela peut être encore possible de nos jours ?!!!!! Manu Joseph ne s'y attarde pas vraiment, mais ne cache pas cette réalité. C'est mieux que de la passer sous silence même si c'est très peu. Cela tranche encore un peu plus avec Bollywood. D'ailleurs au fil de la lecture, ce ne sera pas le seul détail noir qui entachera la belle carte postale et c'est tant mieux. On ne vit pas au pays des Bisounours.
La religion sera assez présente et si pour une fois, on se tiendra un peu éloigné des fanatiques (encore que), nous aurons l'occasion de voir que pour obtenir des conversions, on n'hésite pas à faire miroiter les avantages financiers liés à telle ou telle confession. L'argent est le nerf de la guerre, mais doit-on brader pour autant Dieu, sa foi et tout le reste ?

Dans ce roman, on évolue dans un autre pays que l'on ne connait pas forcément (du moins, moi, je ne le connaissais pas plus que cela) et dans le milieu scientifique, mais je vous rassure immédiatement, on n'a nul besoin d'avoir bac+12 ou d'être un génie des mathématiques ou de la physique pour tout comprendre. Manu Joseph nous offre là des portraits humains façonnés par les traditions, mais également par des courants plus modernes, plus contemporains, plus occidentaux (vive la mondialisation) et donc il y a des télescopages. C'est à la fois un récit exotique et familier, chaud et froid, sucré et salé que je vous invite à découvrir fin août 2011 lors de sa sortie. Vous devriez y trouver votre bonheur.

Ma note finale : 16 / 20

4 commentaires:

Anne Sophie a dit…

pourquoi pas...

Lacazavent/Hélène a dit…

Il me tente beaucoup, j'ai hâte de mettre la main dessus !

Anonyme a dit…

Je suis en train de lire ce livre, et je le trouve un peu poussif malgré quelques phrases très hilarantes.
On sait par quelques descriptions, par les noms des "acteurs" que l'on se trouve en Inde, mais juste une impression de survoler ce pays en avion, on y pose pas le pied... on ne ressent pas les couleurs, on ne sent pas les odeurs, on entend pas le brouhaha....
Bref, déçu. Mais cela n'est qu'un avis très personnel.

Emeralda a dit…

Peut-être connaissez-vous mieux l'Inde que moi-même ? J'avoue que je n'en avais qu'une vision très/trop carte postale donc ce livre m'a fait un peu mieux connaître ce pays qui sera bientôt le plus peuplé au monde devant la Chine.