lundi 26 septembre 2011

Les mots de ma vie de Bernard Pivot


Le livre :

"Les mots de ma vie" de Bernard Pivot, aux éditions Albin Michel, 320 pages, 20 € 00.


Le pitch :

« Notre mémoire est pleine de mots.
Il suffit de puiser dedans. On trouvera dans ce dictionnaire très personnel des mots qui m’ont accompagné dans ma vie professionnelle comme, précisément, dictionnaire et mot. Plus apostrophe, orthographe, écrivain, lecture, bibliothèque, guillemets… A ceux-là s’ajoutent une ribambelle d’autres mots qui relèvent de ma vie privée, de mes souvenirs intimes, de mes manières d’être, de ma psychologie d’enfant et d’adulte, de mes trucs, de mes rêveries, de mes bonheurs, de mes chagrins, de mes petites aventures d’homme devenu public grâce à une succession de clins d’oeil du hasard ».
Bernard Pivot.


Ce que j'en ai pensé :

Bernard Pivot est pour moi un monument. J'ai pu regarder dans le passé ses émissions littéraires. J'étais jeune, parfois trop pour tout saisir, mais qu'importe cela m'a ouvert les yeux encore plus grands qu'ils ne l'étaient déjà à l'époque. J'ai découvert l'univers de la grande littérature contemporaine.
Pour autant, je n'ai jamais lu auparavant un ouvrage signé par l'ex présentateur tv et journaliste devenu une sorte de légende.
"les mots de ma vie" fut donc une première, mais pas une dernière expérience de lecture de Monsieur Pivot.

On débute comme il se doit avec un mot d'accueil. On entre vraiment dans le monde de Bernard Pivot. C'est comme un parc d'attraction littéraire sur papier. Je vous assure que je n'exagère pas et que c'est ce que j'ai ressenti.
Et non, ce n'est pas trop intellectuel comme amusement car la langue française, c'est la notre. Tout le monde peut participer.
Et vous verrez, vous pourriez être fort surpris. Bernard Pivot n'est pas un saint, n'est pas un surhomme, ni même un être parfait. Certes, je l'ai qualifié de légende, de mythe, mais en réalité, c'est avant tout un homme qui revient à travers un choix de mots sur sa vie, son destin.

L'ouvrage n'est pas un roman, mais plutôt une sorte de dictionnaire personnel avec les mots qui comptent, qui ont une histoire un peu particulière. Les définitions sont riches, abondantes, éclatantes, étoffées, anecdotiques, amusantes, mais pas pédantes, ni prétentieuses, encore moins mielleuses ou doctorales.
L'auteur nous offre là des explications, des précisions exclusives, quelques fois intimes, souvent généreuses. On bénéficie d'un regard neuf, frais, inédit, original qui me plait beaucoup et cela est peu dire.
Je vous assure que ce n'est jamais barbant, casse-pieds ou même assommant. Bien au contraire, c'est assez stimulant. Cela nous incite à aller plus loin dans notre découverte, à réfléchir au sens que l'on donnerait nous même à ces mots choisis. Bref, c'est une lecture qui nous en apprend beaucoup sur son auteur, mais aussi sur nous-même quand on y pense. Chacun d'entre nous pourrait écrire un livre ayant pour titre  : Les mots de ma vie. Chaque ouvrage serait différent même si on y retrouverait sans doute des termes en commun. Leur sens serait distinct.

Certaines définitions sont parfois un peu académiques (Bernard Pivot n'est pas seulement un journaliste pour ma part, mais plus que cela. Il est devenu un homme de lettres), enfin au début, mais très vite, on en vient à l'aspect plus personnel, plus anecdotique sans être pour autant dénué de sens et toujours en lien fort avec le mot de départ.
J'ai apprécié certains termes plus que d'autres. Ils trouvaient en moi un écho favorable. Je pense par exemple à Chambre-bibliothèque (c'est tout l'article qu'il faudrait vous citer car rien n'est à jeter dedans !).
J'ai eu aussi un faible pour : Chat (1) et Chat (2) car je suis une amoureuse des félins, c'est bien connu (enfin pour mes proches).
Pour le terme Chevreau, j'en ai eu les cheveux droits sur la tête et il m'a semblé entendre raisonner dans mes oreille le cri qu'à pu poussé Bernard Pivot alors enfant et découvrant ce qui lui a laissé un tel souvenir cauchemardesque.
Oui la lettre C, m'a inspiré, mais ce ne fut pas la seule.

J'ai ri en imaginant certaines scènes relatée par Bernard Pivot. C'était cocasse à souhait.
D'autres fois, j'en ai presque pleuré. Je suis peut-être trop sensible. J'ai éprouvé de l'empathie plus que de raison ?
Je me suis cultivée. J'ai appris, j'ai redécouvert des mots.
J'ai été surprise. Je trouve que Bernard Pivot est un homme de son temps. Il a pourtant un certain âge (S'il me lit - ce qui est peu probable-, c'est certain, j'ai intérêt à ne jamais le rencontrer car en disant cela je signe mon arrêt de mort ou au mieux mon bon pour une paire de gifles), mais il est moderne, pas pédant. Il n'est pas un has-been comme on dit aujourd'hui. Il vit avec son époque, ses forces et ses faiblesses. Il emploie des termes familiers et jongle avec habileté avec les subtilités de notre langue.

Cet ouvrage peut se lire de différentes manières. Toutes conviendront, il n'en n'existe aucune qui soit préférable à une autre. Il suffit de trouver la sienne.
On peut le lire d'une traite ou presque.
On peut le lire dans l'ordre ou le désordre. Y piocher ici ou là un mot. S'en faire une petite recréation.
On peut le lire par petites touches pour mieux le savourer.
Etc.
A vous de trouver la votre. Elle sera peut-être même novatrice qui sait ?
En ce qui me concerne, je l'ai lu en plusieurs soirées, dans l'ordre. J'ai toutefois marquer une courte pause à chaque nouveau terme abordé. Un peu comme pour mûrir ce que je venais de lire, le méditer un peu, me l'approprier légèrement. C'était aussi pour être en quelque sorte prête pour découvrir le terme suivant. Je reprenais mon souffle car chaque mot possédait (possède encore) une énergie propre que je devais pouvoir appréhender.

vous l'avez compris, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage aussi je vous le recommande chaudement.

En guise de conclusion, je citerai : Un chef-d'oeuvre de la littérature n'est jamais qu'un dictionnaire en désordre. - Jean Cocteau



Et s'il fallait mettre une note : 17 / 20




Les bonus :


La fiche wikipédia de Bernard Pivot : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Pivot

La présentation de son livre par Bernard Pivot : http://www.dailymotion.com/video/xi0vxy_bernard-pivot-presente-les-mots-de-ma-vie_news

Souvenirs d'Apostrophes : http://www.dailymotion.com/video/x3h7xc_apostrophes-l-integrale_creation

La dictée de Bernard Pivot à l'ONU : http://www.ina.fr/divertissement/chansons/video/CAB92023115/dictee-pivot-a-l-onu.fr.html

Bouillon de culture, souvenirs également avec des invités parfois surprenants, mais toujours amateurs de lettre : http://www.dailymotion.com/video/xcg1jn_francois-mitterrand-a-bouillon-de-c_news

jeudi 22 septembre 2011

Le syndrôme Copernic d'Henri Loevenbruck


Le livre :

Le syndrome Copernic d'Henri Loevenbruck aux éditions Flammarion, 441 pages, 19€90
Disponible également en version de poche, aux éditions J'ai lu pour 8 €.


Pourquoi ce livre ?

J'apprécie de lire de temps en temps un bon thriller, histoire de me faire peur, mais sans réelles conséquences.
Je suis comme les enfants qui aiment jouer à se faire peur, mais pour de faux !

Henri Loevenbruck est un auteur que j'aime beaucoup. En tout cas, j'ai souvent pris pas mal de plaisir à lire ses romans (même si je n'ai pas encore dévoré tous ses écrits).
Cet écrivain français né en 1972 baigne depuis sa plus tendre enfance dans une atmosphère très anglo-saxonne. Point étonnant alors qu'il écrive aussi bien que les auteurs d'outre-atlantique et qu'il maîtrise autant les codes du genre (thriller). Et si vous voulez en savoir plus, je vous invite à aller visiter son site pour avoir une présentation, de sa personne et de ses oeuvres, plus complète : http://www.henriloevenbruck.com/


Le pitch :

Un matin d'été ordinaire, trois bombes explosent dans une haute tour du quartier de la Défense.
Toutes les personnes qui étaient entrées dans le gratte-ciel périssent dans l'effondrement. Toutes, sauf une. Vigo Ravel, quelques minutes avant l'attentat, a entendu des voix dans sa tête qui lui ordonnaient de fuir. Et il a survécu. Il comprend alors qu'il détient un secret qui pourrait changer la face du monde. Mais il ne suffit pas de connaître un secret, si grand soit-il. Encore faut-il en comprendre l'origine.
Qui sont ces hommes qui le traquent ? Quelle énigme se cache derrière le Protocole 88 ? Que signifient les voix que lui seul semble pouvoir entendre ? Il est des mystères qui valent tous les sacrifices. Même celui de l'âme.



Et alors, qu'est-ce que j'en ai pensé après avoir lu l'intégralité de ce thriller "made in France" :

Riche en émotions, on passe par un panel étonnant de sensations, de sentiments.
Je ne vais pas tous les lister ici, mais en vrac, notons : peur, froid, chaleur de l'été, douleur, oppression dans la foule, solitude,  confiance, logique, tangible, raison, folie… etc. 
La liste serait très, très longue à dresser, mais n'a de sens que si on la relie au récit lui-même.

Vigo Ravel, 36 ans, schizophrène pour autant qu'il le sache va nous accompagner d'un bout à l'autre de ce livre. C'est le principal protagoniste et notre narrateur.
Il a beau être un peu étrange (il entend les pensée des gens), on fera comme Agnès, on se laissera attendrir ou au moins intriguer par cet homme maladroit, peu banal, qui pourrait faire peur car il est dans "la catégorie lourde" côté folie ! Ce qu'il avance parfois n'est pas si évident que cela à croire et pourtant soyons logique :  S'il n'est pas fou ou pas tout à fait autant qu'on pourrait bien le croire alors pourquoi tout ceci ? Ces voix dans sa tête, ces hommes qui le poursuivent, ce psy et ce cabinet médical fantôme, son employeur qui déménage toute son entreprise, ce protocole 88…etc.

88 chapitres d'ailleurs, ce n'est pas un hasard ça.  Ce chiffre sera important dans le récit et récurent. Cependant, ne comptez pas trop sur moi pour vous en dire beaucoup plus dessus, sinon votre lecture sera gâchée.
Reste que les chapitres sont relativement courts et un bon découpage du récit entraine forcément une découverte rythmée et donc plus haletante pour le lecteur. C'est le moteur principal (avec une bonne intrigue) pour ce type de livre. Il faut que l'on ait envie d'en savoir plus, de tourner les pages. Et le moins que je puisse dire, c'est que globalement, cela fonctionne très bien avec ce titre.

Le rythme est saccadé, un peu à l'image de l'esprit de Vigo. On est parfois un peu perdu, mais Vigo l'est encore plus. Ne nous plaignons pas que diable, nous, on a notre réalité pas toujours folichonne certes, mais plus tangible et rassurante en général.
Ce n'est pas un super héros, c'est un homme qui ne sait plus qui il est, qui ne se souvient de rien sauf de ces 10 dernières années et encore, il semble avoir été manipulé par tout le monde, même ses pseudos parents, les Ravel !
Vive les conspirations !!!!

L'ensemble est crédible et on se dit que cela pourrait nous arriver à nous aussi (dans la théorie, dans la pratique, j'espère bien que non !!!!!), même si nous ne sommes pas schizophrènes (encore que ?). On est toutes et tous un peu fou car qu'est-ce que la normalité au fond ?
Vigo va se chercher (il a perdu tous ses repères, son identité, sa vie, tout !), va partir en quête de la vérité (pourquoi, comment, qui). Il sera aidé, épaulé et il trouvera. Reste que la vérité est souvent brutale, on ne la découvre pas forcément, mais quand c'est le cas, ce n'est presque jamais sans conséquences. Toute vérité est-elle bonne à divulguer ?
Attention livre complot ? Possible…. Probable même !
L'avenir de l'humanité va-t-il en être bouleversé ? C'est moins sûr, mais on peut toujours vibrer...

Je regrette juste un final un peu trop rapide et c'est je crois que c'était déjà un reproche que j'avais fait pour un autre livre d'Henri Loevenbruck (lu il y a pas mal de temps déjà).
C'est vraiment dommage car il sait fort bien nous maintenir en haleine pendant des centaines de pages (écriture fluide, qui glisse, qui nous fait palpiter) et paf, hip, hop, emballé, c'est pesé. Hein quoi ? Comment ? C'est déjà terminé ?

C'est roman est à lire, à dévorer, mais il ne faut pas en attendre de miracle. Cela reste un simple bouquin avec une bonne intrigue.
Pas certain que l'on s'en souvienne encore dans 2 ans, dans 5 ans ou pire dans 10 ans, mais le plaisir de la lecture, c'est aussi parfois dans l'éphémère. Ces titres clefs en mains, prêts à consommer ne sont pas pour autant mauvais, ils sont dans l'air du temps.


Et s'il fallait mettre une note : 15 / 20

lundi 19 septembre 2011

l'étrange voyage de Monsieur Daldry de Marc Lévy


Le livre :

l'étrange voyage de Monsieur Daldry de Marc Lévy, aux éditions Robert Laffont, 422 pages, 21 €



Le pitch :

Alice mène une existence tranquille, entre son travail, qui la passionne, et sa bande d’amis, tous artistes à leurs heures.
Pourtant, la veille de Noël, sa vie va être bouleversée. Au cours d’une virée à la fête foraine de Brighton, une voyante lui prédit un mystérieux avenir. Alice n’a jamais cru à la voyance, mais elle n’arrive pas à chasser ces paroles de son esprit, et ses nuits se peuplent de cauchemars qui semblent aussi réels qu’incompréhensibles. Son voisin de palier, Monsieur Daldry, célibataire endurci, gentleman excentrique et drôle, aux motivations ambiguës, la persuade de prendre au sérieux la prédiction de la voyante et de retrouver les six personnes qui la mèneront vers son destin.
De Londres à Istanbul, il décide de l’accompagner dans un étrange voyage



Ce que j'en ai pensé :

Un roman, c'est une histoire qu'un auteur veut bien nous raconter. Elle peut être réelle, fictive, un peu des deux à la fois.
C'est parfait pour se détendre, même si certaines intrigues soulèvent parfois bien des questions et nous laissent songeurs.
Avec un roman de Marc Lévy, je suis certaine de ne pas trop me prendre la tête. C'est facile à lire et puis voilà. Il m'arrive de ne pas en vouloir plus. Se distraire, passer un bon moment, c'est déjà pas si mal.

Tout commence donc avec un mystère, une chose qui nous échappe, mais que l'on va nous narrer. On est donc comme Rafael suspendu aux lèvres d'Alice.
Une entrée en la matière basique, mais qui fonctionne. D'ailleurs pourquoi toujours chercher des moyens détournés forcément complexes pour nous mettre sur la piste ? La simplicité a aussi de bons cotés.
Cette dernière fait que je rentre immédiatement dans le récit. J'apprends très vite à reconnaitre les protagonistes, mais c'est Alice qui tient le rôle central. Enfin pour commencer. Ethan Daldry ne restera pas éternellement dans l'ombre. Son nom apparaît dans le titre de ce bouquin tout de même.

Une ambiance de fête de fin d'année. Est-ce pour le coté magique ? Est-ce que le lecteur doit encore croire au Père Noël ? Ou tout simplement avoir conserver un peu de son âme d'enfant ?
Une chose reste certaine, on est cinq ans après la fin de la seconde guerre mondiale et on est assez loin de la société de consommation de masse. On est sur des valeurs plus simples, plus authentiques. Cela me parle plus. Mes propres réveillons ne sont pas tout à fait conventionnels et j'apprécie de ne pas devoir me gaver parce que c'est "fête". Là pour les protagonistes, c'est aussi parce que l'après guerre n'est pas une période très facile. Tout est à reconstruire, beaucoup de choses manquent encore et les prix restent élevés puisque la pénurie reste de rigueur même si elle n'est plus celle qui régnait durant le conflit. Marc Lévy le retranscrit assez bien et pour autant ses personnages ne semblent pas vraiment malheureux. Ils ont traversé de telles épreuves auparavant que tout ceci n'a plus grande importance. On pourrait les croire très courageux, mais ce sont juste des personnes de leur temps. Ils connaissent la véritable valeur des choses et encore plus celles des rapports humains. Pour un peu, je vous dirai presque : "C'était mieux avant !!!"

Une bande de copains,  cinq jeunes gens qui veulent retrouver un peu d'insouciance. Ils veulent profiter de la vie et en plus de leurs emplois, de leurs galères quotidiennes et autres petites misères, ils essaient de passer du bon temps ensemble.
Alice est le personnage que nous allons suivre essentiellement. C'est en quelque sorte elle qui nous raconte son histoire même si le roman n'est pas écrit à la première personne. On le sait grâce à un petit prologue qui ne nous dit rien pour ne pas nous gâcher notre lecture (je vous l'ai déjà dit un peu plus haut, mais je fait un petit rappel au cas où). Cette jeune femme est nez, je veux dire par là qu'elle possède un don et qu'elle a pu ensuite en faire son métier. Elle crée des parfums.
Mr Daldry est peintre. On reste dans le domaine de la création. Il est bougon, ronchon, mais n'en est pas moins un gentleman. C'est le voisin d'Alice et après avoir eu pour seuls rapports des bonjours, bonsoirs et quelques altercations légères pour cause de tapage nocturne (Alice adore recevoir ses amis chez elle), leur relation va prendre un sacré tournant. Je ne puis trop vous en dire.

Les pages se tournent presque toutes seules avec ce roman. Le suspens n'est pas intenable, on n'est pas dans un thriller, cependant on souhaite toujours lire la page suivante juste au cas où.
Alice se débat dans ses tourments et ce cher mr Daldry est toujours là avec son caractère impossible, mais touchant. Il est comme un guide. Il bouscule un peu la jeune femme, mais après tout, la vie est courte et quelques folies sont nécessaires pour trouver le bonheur (mais aussi pour réussir à faire tenir en haleine les lecteurs).
Un grand voyage pour débuter une nouvelle vie, pour remettre un peu de saveur dans celle qui nous étouffe chaque jour un peu plus, pour se trouver... Ça laisse songeur. Pourtant cela arrive assez souvent de nos jours. Il faut juste avoir le cran de passer le cap.

Dés le début, ce périple sera pleins de surprises (que je ne vous dévoilerai aucunement). Cependant, je puis vous révéler que Mr Daldry est au petits soins pour sa compagne, Alice. Par la même occasion, nous découvrons mille et un détails de la vie des voyageurs au début des années 50. Vous verrez, parfois cela prête même à sourire tant c'est différent de nos jours. Bon, à d'autres moments, c'est très semblable également.
Viennent ensuite les doutes et les situations troublantes. Cela pimente l'ensemble. Je ne vais pas m'en plaindre, au contraire sinon cela aurait été trop linéaire.

Marc Lévy ne change pas de style (j'ai lu 4 de ses romans) et je retrouve sa patte dans le phrasé, la construction de la narration. Il n'a pas tort. Pourquoi changer une formule qui fonctionne ? Peut-être aurai-je aimé être plus surprise ? Possible, mais je ne dirai pas non plus que j'ai été déçu par ma lecture. Tout au plus qu'elle était conforme à ce que j'en attendait.
D'horribles rêves émaillent les nuits d'Alice. Pour nous les lecteurs, ce sont surtout des tonnes de questions qui nous assaillent. On a bien quelques idées, des pistes de réponses qui pointent, cependant on n'est sûre de rien. Marc Lévy sait y faire pour en dire juste assez et nous faire languir.

Istanbul recèle bien des trésors, mais aussi des misères sans pour autant se départir de sa beauté.
Alice est touchée au plus profond d'elle- même.
Mr Daldry lui reste terre à terre comme ses motivations.
Et nous, nous suivons cette incroyable aventure.

Cela nous entraine dans la haute société ou dans des quartiers plus populaires. On découvre vraiment la ville, cette société.
Nous aussi nous voyageons.

La guerre est terminée depuis plus de cinq années déjà, cependant elle reste très présente dans les esprits. Il y a les absents, ceux qui ne sont plus. Il y a les meurtris dans leur corps ou dans leur tête.
J'admire cette détermination. Rechercher ? Maintenir la motivation, mettre l'accent sur les éléments.
Et de fil en aiguille, la quête originelle se transforme, se complète, de complexifie. On reste avec nos questions, on tire sur des ficelles pour obtenir des réponses, mais on trouve de nouvelles interrogations.
La trame me parait quelque peu familière, sans être identique. C'est une sensation difficile à décrire. Cela est probablement dû au fait que j'ai déjà lu d'autres ouvrages de l'auteur. Et comme on dit souvent, un écrivain écrit fréquemment le même ouvrage avec quelques variantes. C'est ainsi.

Dans ce roman, mr Daldry n'est pas le seul a faire un étrange voyage. Il entraine Alice qui découvre des pans de son passé, mais qui entrevoit également l'avenir. Tout est image, parfois sonorité, mais assurément olfactif.
Marc Lévy nous fait voyager dans un monde odorant, dans celui de la mémoire qui ne meurt jamais (on ne perd jamais les souvenirs liés à une odeur). Il change aussi de style et passe un temps à la forme épistolaire pour mieux nous narrer les expériences de mr Daldry à Londres et celle d'Alice à Istanbul. Cela donne un coté très vivant au récit. On avance également plus vite dans le temps puisqu'en moyenne, chaque missive est espacée d'une semaine au moins.
Et puis, on revient a l'écriture classique. Mr Daldry s'éclipse lui aussi. Alice est toujours au premier plan. Pour moi, c'est un avantage car je suis une femme. Je m'identifie plus facilement à ce personnage. Mais le final est digne de tout les retournements de situation. On les sent arriver sans toutefois être certain des chemins qu'ils vont en dernier recours adopter. C'est tant mieux. Le plaisir de les lire, de les découvrir parachève cette lecture pas exceptionnelle, mais tout même bien agréable.


Et s'il fallait mettre une note : 14 / 20.



Les bonus :

Marc Lévy nous fait la bande annonce de son livre : http://www.youtube.com/watch?v=zSPIbGdm_dc

Interview sur TV5 Monde : http://www.youtube.com/watch?v=F-YAAJz_pkE
On y parle du livre, mais aussi de l'auteur, de sa façon de vivre, d'écrire, bref de créer.
Une interview actuelle avec un regard sur le passé puisque l'intrigue se passe en 1950.

Pour les plus courageux, un longue vidéo très intéressante de 36 minutes : http://www.youtube.com/watch?v=MWEQGpYCdBo
C'est une présentation publique de cet ouvrage avec Marc Lévy, une sorte de petite conférence.

Un extrait lu par l'auteur, lui-même : http://www.dailymotion.com/video/xibqrh_l-etrange-voyage-de-monsieur-daldry-extrait-lu-par-marc-levy_creation
Pour vous donner envie de vous lancer à votre tour…

jeudi 15 septembre 2011

Allmen et les libellules de Martin Suter



Le livre :

Allmen et les libellules de Martin Suter, aux Editions Christian Bourgois, 167 pages, 17 €.


Le pitch :

Johann Friedrich von Allmen, élégant gentleman d’une quarantaine d’années, est issu d’une très riche famille suisse.
Bel homme, raffiné, séducteur et collectionneur d’art, il a dilapidé avec imprudence les millions dont il avait hérité de son père. Au début du roman, il habite encore dans le somptueux immeuble qui appartenait à sa famille mais n’y est plus que le locataire de l’entreprise à laquelle il a été vendu. Dilettante et relativement désoeuvré, il s’est attaché les services d’un majordome guatémaltèque, Carlos, qui l’appelle Sir John et lui parle dans un espagnol du plus basique (ce qui produit des dialogues particulièrement désopilants).
En plus des dettes, il s’est attiré les rancoeurs de nombreuses personnes du fait de sa fâcheuse tendance à dérober, avec la plus grande habileté, les oeuvres d’art de ses fréquentations. Sa situation financière s’étant détériorée à l’extrême, Allmen a dû vendre toutes les pièces précieuses qu’il avait acquises au receleur dont il était auparavant le principal client. Il s’est ensuite retiré dans une modeste maison de campagne en compagnie de Carlos.
La chance semble tourner lorsqu’il rencontre Jojo, une belle femme dans la fleur de l’âge. Après une nuit d’amour passionné, il découvre dans la magnifique demeure où elle l’avait entraîné, cinq coupes art déco à motif de libellules, chacune valant une petite fortune, chacune porteuse d’un secret. Il décide de s’en emparer sur le champ. Mais l’opération va prendre quelque temps car, comme pour ses précédents forfaits, Allmen multiplie ruses et précautions, pour le plus grand plaisir du lecteur qui suit ces rebondissements et péripéties particulièrement cocasses.


Ce que j'en ai pensé :

C'est un roman que j'avais vu présenté dans mon émission littéraire fétiche, "La grande librairie", sur France5. L'auteur est très connu sauf que pour ma part, hormis son nom et sa réputation, il reste un parfait inconnu. Avec "Allmen et les libellules", j'ai en outre l'occasion de démarrer sur une saga complète (ceci étant le premier volume, il sera publié ultérieurement d'autres aventures de Johann Friedrich von Allmen) . J'aime bien commencer par le début et poursuivre dans l'ordre. Cela parait bête, mais c'est ainsi. Je suis du genre un peu maniaque… Même pour lire.

Allmen est un personnage que je me suis plu à imaginer comme un Dandy très élégant avec une certaine désinvolture naturelle qui renforce son charme.
Il parle un grand nombre de langues étrangères, mène la grande vie (il ne travaille pas, il est rentier) et passe ses journées à observer le monde, à lire, à faire la sieste etc (on dirait un chat, non ?!).  Reste que l'argent hérité de son père lui a filé entre les doigts plus vite que du sable fin. Il est criblé de dettes. C'est un problème qui devient de plus en plus important pour ne pas dire plus. Et puis, il y va de son honneur tout de même. On ne badine pas avec !!!! Il a une image à sauvegarder, une réputation.

Allmen possède sa solution : le vol.
Attention, rien de violent, on reste dans la courtoisie, la distinction, bref, c'est un parfait gentleman cambrioleur. Une sorte d'Arsène Lupin des temps modernes. J'aime beaucoup, cela confère un côté romantique au larcin. On a beau être un voleur, on peut néanmoins garder un certain code de l'honneur et une certaine classe.  On reste dans l'univers du luxe.

Allmen est un peu hors du temps.
J'ai eu l'impression de me retrouver a plusieurs époques différentes avec lui, mais rarement de nos jours et pourtant. Il possède des manières révolues ou trop peu usitées (dommage parfois). Allmen est intemporel et mène une existence hors de notre courbe temporelle. Il y a une ambiance rétro agréable et séduisante dans ce récit.

Le suspens n'est pas toujours à son comble dans ce roman. Vous ne tremblerez pas de la tête aux pieds. Vous aurez peut être quelques frissons légers, mais vos sentiments resteront modérés. Allmen n'est pas un héros qui bouscule tout sur son passage. Pour autant, on ne s'ennuie pas. On tourne les pages avec plaisir, douceur et même une certaine lenteur. On est happé hors du temps nous aussi et cela fait du bien. On prend son temps, on suit Allmen à son rythme.

Martin Suter possède indéniablement une fort belle plume. Sans grandes actions spectaculaires, sans réelle intrigue mystérieuse de fond, il parvient à faire de son roman un bouquin qu'on ne lâche pas. On est pris dans un engrenage qu'on ne souhaite pas quitter. C'est surprenant et plaisant. Comme le format n'est pas très long, cela passe à merveille. On ne se lasse pas.

A découvrir, vraiment.


Et s'il fallait mettre une note : 15 / 20



Bonus :

Le lien vers la fiche de Martin Suter dans Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Suter

dimanche 11 septembre 2011

Des enfants pour quoi faire de Robert Benchley


Le livre :

Des enfants pour quoi faire de Robert Benchley, aux éditions Wombat (collection les insensés), 121 pages, 14 €




Le pitch :

"D'accord, un grand nombre de mères et de pères sont incapables d'élever des enfants au-delà du stade où ceux-ci arrêtent de baver, et la plupart des crimes et des problèmes sociaux actuels sont, selon toute probabilité, la faute de parents qui ont acheté des vêtements de taille dix ans à des garçons âgés de quatorze.
Mais, même si l'Etat fonctionnait à la perfection, je ne vois pas où pourrait mener sa tentative d'éduquer les enfants, sinon au chaos. De toute façon, je ne vois pas où peut mener toute tentative pour éduquer les enfants, sinon au chaos." Du bébé vagissant à l'adolescent taciturne, l'inénarrable Robert Benchley tente de percer, au fil de ces quinze textes humoristiques, le mystère de ces étranges créatures : les enfants.
Il se propose ainsi de répondre, à sa manière inimitable, à certaines questions vitales, comme " Comment porter un bébé? ou "Quel chien choisir pour votre garçon? (et inversement) ". A tous les parents, futurs ou présents, anxieux ou dépassés, le présent ouvrage offre une mine de conseils frappés au coin du nonsense.




Ce que j'en ai pensé :

Un nouveau livre, c'est comme un paquet surprise. On en attend beaucoup parfois. Il nous arrive d'être déçu, mais quand on aime autant la lecture que moi, on fonce, on court ce risque sans trop s'en soucier. Après tout, on ne vit qu'une seule fois et là, même si ce n'est pas bon, il n'y aura pas mort d'homme !

Avec ce titre, "les enfants pour quoi faire ?", on peut dire que je me suis lancée dans l'inconnu.
Je ne connais pas l'auteur, Robert Benchley.
J'ai choisi ce livre sur une impression globale. Je me suis laissée tenter par plusieurs petits détails  : une couverture avec une illustration humoristique qui colle bien avec mon tempérament de "mère indigne", qui n'est absolument pas politiquement correct, mais après tout, pour qu'il y ait des enfants heureux, ils faut aussi des parents qui le soient !
Le titre est provocateur, surtout à notre époque où l'on semble nous faire croire que la maternité ou la paternité, c'est le summum du bonheur. Rassurez-vous, je suis folle de mes deux pestouilles de 8 et presque 6 ans. Cependant, je veux aussi penser à ma vie de femme et ne pas être qu'une maman.

Cet ouvrage est une sorte de compilation de petits textes indépendants les uns des autres, mais ayant donc pour thème central : les enfants.
Le ton est vite donné par le premier. Tout est à prendre au second, voir au troisième degré. Cela se lit vite et bien. C'est encore très actuel, à peine si cela à pris quelques ridules. Certaines situations restent intemporelles.

J'ai souris assez largement dès la première chronique. Je me suis revue en tant que jeune maman, en train de lire une autre bible pour élever ma fille ainée parce que pour moi, les bébés, c'était tout nouveau, tout beau aussi, mais surtout un peu panique à bord !!! Genre : le bébé ? Ben comment ça marche ????
Riez donc, mais c'était comme ça. Au final rien ne vaut juste le bon sens ! Et une bonne dose de patience et d'humour parce plus d'une fois, ce sera / ce fut : Au secours !!! Et là, je fais quoi ?

Le second texte, sur l'art de porter bébé par un représentant du sexe masculin, m'a tout de suite fait penser à mon père. Il n'a toujours pris mes filles que de manière rarissime dans ses bras. Il avait une peur viscérale de les faire tomber.
Les exemples donnés dans le texte sont drôles, mais à ne jamais mettre en pratique même si bébé est plus solide qu'on ne le croit !

Vient ensuite, l'épineux problème de l'éducation.
J'ai déjà donné du coté de l'enfant précoce, voir très précoce.
Je donne encore, mais ça va mieux.
Ma seconde pestouille me donnera tout autant de soucis. Mêmes effets, mais causes variables.
Éduquer ses enfants n'est pas une mince affaire et même si cela peut être tentant parfois parce qu'on en peut plus, pas question de se décharger sur l'Etat. On irait alors à en croire l'auteur au-devant de nouveaux problèmes.
Évidemment tout est tiré par les cheveux. Il y a moult exemples où l'on sent une touche de vécu ou de subi (c'est selon), mais toutes les situations sont impensables. C'est  le propre des caricatures de grossir le trait (pas forcément le plus flatteur d'ailleurs sinon c'est beaucoup moins drôle).

"les enfants pour quoi faire" ne se lit pas d'une traite.  Enfin, si on peut le faire, mais alors je pense que c'est nettement moins ludique. Picorer les textes est plaisant. Chaque boutade est plus cinglante. Le piquant des répliques, la fraicheur des conclusions est ainsi préservé.
Car oui, certaines chroniques sont de véritables joyaux.
J'ai beaucoup aimé celle intitulée : le voyage en wagon d'enfants. Tout est dit ou presque. Le récit toujours humoristique de l'auteur est hélas par trop véridique. Les trajets avec des enfants, surtout ceux des autres sont des moments de torture que la convention de Genève devrait faire cesser immédiatement ( car oui j'ai peu voyagé pour le moment en train avec mes filles et encore, c'était toujours avec mon ainée qui a été une crème à chaque fois. J'avais même des compliments de la part des autres voyageurs de notre wagon, ce qui est rare). Soyons honnête, qui n'a pas eu envie d'étrangler, de jeter par la fenêtre ou de bâillonner un ou plusieurs casses pieds, oreilles et j'en passe âgés de moins de 10 ans ?!
Et je ne parle même pas des géniteurs qui sont à baffer tellement on les trouve mous du genou.  Bref, une petite perle ce texte.

Évidemment, tous les récits sont datés parce que Robert Benchley est décédé en  1945, mais je vous assure que globalement, on ne sent pas trop le poids des années écoulées. Il faut donc croire ou en déduire que les enfants n'ont que peu changé au fond.
Bon, il faut quand même dire que c'est sans doute aussi parce que j'ai plus de 20 ans que je dis cela. Je suis certaine que mes filles se demanderaient encore si je n'ai pas vécu au moyen-âge !!!

Une autre chronique intitulée cette fois : les pieds au musée, me laisse à penser que si moi je viens du fond des âges, mes filles (particulièrement, l'aînée) viennent quant à elles de Venus !!! Les visites de musée sont pour elles des moments privilégiés de découvertes et de partages. Elles sont toujours bien sages, curieuses et attentives. Ok, il faut parfois sauter quelques pièces qui ne les passionnent pas, mais d'autres suscitent un engouement tel que l'on est noyé sous les commentaires et les questions. A chaque âge ses passions !
Reste que ce texte est très amusant également. Une petite recréation pour tout lecteur.

En conclusion, voilà un petit livre à lire fort sympathique, mais que je vous conseille d'emprunter en bibliothèque plutôt que de l'acheter (prix public de 14€).
C'est distrayant, mais il plaira plus à vos grands-parents encore.
Tiens en voilà une bonne idée pour un anniversaire ou pour les cadeaux de fin d'année.



Et s'il fallait mettre une note : 13 / 20



Les bonus :


La fiche wikipédia de l'auteur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Benchley

samedi 10 septembre 2011

Le dernier des juges (Roberto Scarpinato) entretien avec Anna Rizzello


Le livre :

Le dernier des juges (Roberto Scarpinato), entretien avec Anna Rizzello, aux éditions La contre allée, 45 pages, 7 €.



Le pitch :

Roberto Scarpinato est « le dernier des juges », dernier survivant de la génération des juges Falcone et Borsellino, brutalement assassinés par la mafia en 1992.
Il est l’un des procureurs du procès Andreotti, et a instruit les plus importants procès menés contre la mafia et ses liens au sein du monde politique et institutionnel. Sous protection policière depuis plus de vingt ans, mémoire historique de la justice anti-mafia, Roberto Scarpinato balaie de ses réflexions les lieux communs sur la justice, le pouvoir et la religion. À travers le prisme d’une vie que la violence mafieuse a irrémédiablement bouleversée, il nous livre un entretien inédit, porté par une voix aussi vigoureuse qu’inspirée.
Cet entretien a été mené et traduit de l’italien par Anna Rizzello, qui fera la connaissance de Roberto Scarpinato à l’occasion d’une conférence donnée pour l’édition Citéphilo 2008, à Lille. Elle y sera son interprète. Depuis, les rencontres se succèdent, tissant une relation de confiance et d’estime mutuelles.




Ce que j'en ai pensé :


La rentrée littéraire, c'est comme un second Noël dans l'année pour l'amoureux(se) des livres et des (bonnes) lectures / découvertes.
Il y a les grands pontes et les autres.
Parlons un peu , justement, des autres aujourd'hui avec un petit ouvrage publié aux éditions La contre allée : Le dernier des juges. Il est petit par la taille (format étroit) et par l'épaisseur (seulement 45 pages), mais il est prometteur car riche en théorie sur le fond. Voilà qui n'est pas pour me déplaire car même si les "pavés" ne me font pas peur, je n'ai rien contre des récits plus denses.

En réalité, il s'agit d'un entretien entre le juge Roberto Scarpinato et l'auteur de ce livre, Anna Rizzello. Il date de décembre 2010.
On est donc dans le monde réel. La fiction n'a pas sa place ici pour une fois.
Ce n'est pas une vision de carte postale de l'Italie qu'on va nous donner. Ce serait plutôt tout le contraire. On parlera de corruption, de meurtres, de faits divers macabres, d'énigmes, de la mafia, de pouvoir etc. On va évoquer des problèmes graves, lourds de sens et qui ont un impact même chez nous car cela se passe en Europe, au sein même de l'Union Européenne et que fermer les yeux est tout simplement illusoire.

Si comme moi, vous avez toutefois un peu de mal à resituer qui est Roberto Scarpinato, ne vous en faites pas, vous trouverez une mini biographie au tout début de ce livre.
On vous présentera aussi brièvement l'auteur, celle qui recueillera ces propos : Anna Rizzello.

Le juge commence par évoquer sa vocation. Peu conventionnelle, mais très logique tout comme son engagement. On entre dans un autre système de pensées, celui des Italiens.

Le juge a une idée très arrêtée sur les causes de l'anomalie italienne comme il nomme certains particularismes de nos voisins transalpins. Une vision historique qui n'est pas sans arguments forts. On sent que ce juge possède une culture solide et pas seulement en matière de droit.
Vient ensuite l'évocation de Palerme. Dans la bouche du magistrat, cette cité devient une entité vivante, dotée d'une âme propre. Celle-ci vous oblige à vous faire face. Les choix seront / sont limités. Il n'y a pas vraiment d'échappatoire, il faut choisir son camp.

La religion catholique forte en Italie est immanquablement évoquée. Cela peut nous paraitre un peu surprenant ou déplacé pour nous Français qui vivons dans un pays où l'Eglise et l'Etat sont clairement séparés depuis 1905. Cependant, le juge Roberto Scarpinato ne peut écarter la religion de son mode de pensée car elle régie aussi celle de des compatriotes et celles de ceux contre qui il a décidé un jour de de battre. Il nous offre une vision plus complète de son pays, de sa façon de concevoir et de percevoir les éléments.
Surtout que le message est trop souvent faussé.

Le juge Roberto Scarpinato reste très lucide. Même s'il souffre d'une perte de normalité (il vit depuis 20 ans sous escorte rapprochée et n'a donc plus une vie quotidienne comme tout le monde), il n'est pas le moins du monde déconnecté de la réalité. Il se doit de montrer l'exemple d'après lui et cette quête de perfection dans la mission qu'il s'est assigné force mon admiration. Sa volonté transparait dans ses propos. Il m'apparait comme un homme d'honneur, de parole, dévoué corps et âme à son métier, au droit. Pour un peu, je dirai qu'il y a un coté désuet dans ce dévouement. Je pourrais presque l'imaginer en tant que chevalier redresseur de tords.

L'entretien vient ensuite se poser sur une question concernant la politique et l'organisation de la justice en France. Ahhh ce besoin de comparer, de savoir si c'est mieux ici, là ou encore là-haut.
Une pointe de chauvinisme, pour mieux attirer le regard. Et ça fonctionne car en employant enfin un langage europeeanophile, les petites frictions seront atténuées. Le juge concède également que le système italien n'est pas sans faille. La perfection n'est pas encore de ce monde.

Pour s'en approcher, il serait nécessaire de disposer d'une législation anti-mafia au niveau européen.
Et puis d'avoir également une vision très large du problème, de s'attacher au savoir qui est la base de tout.

Un petit livre de par le nombre de pages, mais riche. Les pavés n'ont pas l'apanage de la qualité.
Il n'est pas très intéressant de le noter sur la forme ( il s'agit d'un entretien rapporté et non pas d'un ouvrage dit classique). Cependant la traduction me semble bien faite (pas de non sens comme parfois on peut en relever). Le texte est excellent, mais plus parce que le juge Roberto Scarpinato est un homme d'une culture rare. Ses propos sont denses, toujours justes et réfléchis. Sa vision n'est pas banale et me plait assez car elle englobe tout, même des composantes auxquelles on aurait pu ne pas penser.
J'ai maintenant une vision différente de la problématique mafieuse. Jusqu'à présent elle était très limitée, stéréotypée, en bref quasiment nulle ! Je suis curieuse de découvrir l'ouvrage du juge si je le trouve un jour : le retour du prince (disponible en 2012, toujours aux éditions de La contre allée). Je pense qu'après avoir lu "Le dernier juge", on est plus à même d'appréhender cette lecture de manière plus complète.

A lire donc car on est tous concerné quoiqu'on puisse en penser car la mafia est tentaculaire et possède des ramifications même là où on ne le soupçonnerait jamais. Ce n'est pas pour faire peur que j'écris ça, mais juste parce que c'est vrai, hélas.

Le petit texte signé de la main de la photographe (couverture de l'ouvrage) et qui clôt ce livre est ultra court, mais reste émouvant. Il a su me toucher aussi par sa simplicité et sa spontanéité. C'est vraiment une excellent idée de l'avoir inclus.
La relève est assurée.




Et s'il fallait mettre une note : 16 / 20



Les bonus :


La fiche en italien de Wikipedia sur le juge Roberto Scarpinato : http://it.wikipedia.org/wiki/Roberto_Scarpinato

Un article qui date de 2009, mais qui n'a pas absolument pas vieillit (hélas) : http://radiofrance-blogs.com/eric-valmir/?p=263&akst_action=share-this


Ouvrage lu dans le cadre de l'opération : Un éditeur se livre sur Libfly

jeudi 8 septembre 2011

Le requiem des abysses de Maxime Chattam


Le livre :

Le requiem des abysses de Maxime Chattam, aux éditions Albin Michel, 454 pages, 22 €



Le pitch :

Pour oublier le criminel qui a terrorisé Paris lors de l’Exposition universelle de 1900 et se remettre de leurs aventures, l’écrivain Guy de Timée et Faustine, la belle catin, se sont réfugiés au château d’Elseneur dans le Vexin.
Mais là, dans une ferme isolée, une famille est assassinée selon une mise en scène macabre, alors que l’ombre d’une créature étrange rode dans les champs environnants… Guy, dans sa soif de comprendre le Mal, de le définir dans ses romans, replonge dans ses vieux démons, endossant à nouveau ce rôle de criminologue, qui le conduit peu à peu, comme un profiler avant la lettre, à dresser le portrait du monstre.
Pendant ce temps, à Paris, les momies se réveillent, les médiums périssent étrangement et les rumeurs les plus folles se répandent dans les cercles occultes




Ce que j'en ai pensé :

Personnellement, je sais bien que "le requiem des abysses" est la suite de "leviatemps", mais je préfère le dire afin qu'aucun lecteur ne puisse de tromper. Il n'y a rien de plus rageant que de se plonger dans un bouquin pour se rendre compte que celui qu'on a entre les mains n'est pas le premier de la saga.
Comme pour le précédent, Maxime Chattam nous indique en guise d'introduction une courte playlist de morceaux de musique qui l'ont fortement aidé dans son processus d'écriture. J'aime bien cette façon d'interagir avec ses lecteurs. Cela crée un lien supplémentaire sans que rien ne soit obligatoire. Une sorte d'interactivité passive qui laisse pas mal de portes ouvertes, de possibilités de "rencontrer" l'auteur et son univers. Pour ce faire, je vous invite vivement à jeter un oeil dans la partie bonus de ce billet, vous y trouverez le lien vers le blog personnel de Maxime Chattam. Vous pourrez visiter son cabinet des curiosités entre autres choses. De quoi alimenter les discussion si vous le rencontrez un jour (comme j'ai pu le faire).

Alors au commencement...
Une nuit au musée, un gardien las et habitué à trop de routine, une momie et hop nous voilà dans le vif du sujet. Un début presque trop banal, mais voyons ce que nous réservent les 66 prochains chapitres. Cela en fait suffisamment pour que l'on soit surpris et pour l'heure, nous retrouvons Guy et Faustine. Des personnages que l'on connait déjà pour avoir lu "leviatemps" et que l'on souhaite mieux découvrir encore.
Guy m'a semblé plus agréable dans ce second volet. Les expériences qu'il a pu vivre dans le tome précédent n'y sont certainement pas pour rien.
Faustine est toujours aussi belle, moins audacieuse peut-être, mais nous sommes dans un monde en théorie plus paisible. Elle brisera sa carapace et ce sera un des moments fort de ce roman à mon sens. On découvrira même son véritable prénom… Mais chut…. Non, je ne vous dirai rien ici !
Le mystère, le suspens vont être nos complices et en plus de nous divertir, ils vont certainement dévoiler quelques autres secrets bien gardés jusqu'à présent.

Crimes particulièrement sordides pour ne pas dire atroces, voilà qui va combler les amateurs d'hémoglobine. Limite je me dis que c'est presque un peu trop pour cette époque. Non pas que des meurtres odieux ne pouvaient pas être perpétrés, mais pas forcément à cette échelle.
En tout cas, on frissonne bien. Maxime Chattam domine son sujet. Il connait bien les ficelles et dirige notre regard là où il veut qu'il se porte. Et justement, il n'y a pas que de la noirceur dans ce roman (encore que).
Le personnage de Faustine apporte une touche de féminité raffinée et avec grâce. Les sentiments que lui portent Guy donne aussi un souffle plus léger au récit car même dans les pires moments, la vie reprend toujours le dessus. La passion est aussi un de ses moteurs.

Les relations entre Faustine et Guy évoluent. On s'y attendait, mais cela fait plaisir. Cela compense l'extrême noirceur des crimes perpétrés avec une sauvagerie rarement égalée. C'est comme un rayon de soleil après un terrible orage qui a assombrie la terre.
Un peu de tendresse et d'amour dans un monde de brutes !
Profitons, profitons car il n'est pas du tout certain que cela dure…

Des rebondissements surprenants, de l'action, des crimes atroces, des évasions spectaculaires, des méthodes d' investigation dignes de nos Experts d'aujourd'hui, voilà aussi ce qui vous attend lors de cette lecture.
C'est presque trop, mais cela fonctionne. Je me suis laissée prendre au jeu bien volontiers. Je ne le regrette pas.
Maxime Chattam est un auteur que je ne connais pas parfaitement (je n'ai pas tout lu de lui, loin s'en faut), mais j'apprécie son style clair, un peu outre-atlantique parfois avec une touche de l'ancien continent avec des références solides et une volonté de rendre à César, ce qui appartient à César avec des allusions à l'œuvre de Sir Conan Doyle (la bande à Moriarty). C'est aussi une passion personnelle de l'auteur. Un clin d'oeil à une idole ?

Maxime Chattam se cache-t-il un peu derrière les traits de Guy ? Voilà une question que je me suis posée car qui mieux qu'un écrivain peut décrire et donner vie à un autre auteur ? En tout cas, je pense que cela est tout à fait possible car ce dernier parle souvent de son travail (écrivain), de sa façon de raisonner, de fonctionner, de se mettre au labeur.
Cela ne me gêne pas du tout au contraire. C'est une façon élégante de se dévoiler tout en restant très pudique. Enfin si c'est bien ce que je soupçonne.

Le final est à la hauteur de mes espérances et même un peu au-delà.
Très franchement, j'ai trouvé ce second volet bien meilleur que le premier qui était loin d'être mauvais. Je suis restée complètement scotchée à mon bouquin et j'y ai pris beaucoup de plaisir donc laissez-vous tenter.



Et s'il fallait mettre une note : 17 / 20


Bonus :



Le blog de Maxime Chattam : http://www.maximechattam.com/blog/

Un audio portrait de Maxime Chattam où il évoque le second volume de son dytique : http://www.youtube.com/watch?v=AOKGFOB7V-Y

lundi 5 septembre 2011

Léviatemps de Maxime Chattam


Le livre :

Léviatemps de Maxime Chattam, aux éditions Albin Michel, 443 pages, 22 €



L'intrigue :


A trop désirer la mort, on y brûle son âme.
Paris, 1900.
Prisonnier de son succès, un écrivain décide de tout quitter pour entrer au plus profond de ses cauchemars, de ses abysses, explorer ce qu’il y a de pire en lui. Dans ce terreau de peurs se cache la matrice des monstres enfouis en chacun de nous. Un Léviathan d’ombres, un golem de violence. Guy de Timée voulait déterrer la fange, il va rencontrer le Mal.
Des cercles ésotériques de la capitale aux démesures de l’Exposition universelle, le début du XXe siècle inspire à Maxime Chattam un thriller halluciné où les progrès de la science nourrissent la folie des âmes perdues en quête d’éternité.



Ce que j'en ai pensé :

Je ne suis pas une inconditionnelle de Maxime Chattam, mais on va dire que je suis en phase de découverte approfondie pour cet auteur.
J'ai déjà lu un titre de lui et je l'ai particulièrement apprécié. Aussi quand j'ai vu son dernier roman (ou presque) disponible dans ma médiathèque, je l'avoue, je n'ai pas vraiment réfléchi, je l'ai emprunté. L'occasion faisant le larron comme on dit encore par chez moi.

L'auteur nous dévoile les musiques qui l'ont accompagné lors de la rédaction de son livre. Je trouve cela assez inhabituel, mais fort plaisant. Il nous indique en somme la bande-originale de son récit. On peut, si on le souhaite, écouter ces compositions et se plonger ainsi dans le même univers que Maxime Chattam lors de sa création.
Voici une bien sympathique attention de l'écrivain qui souhaite partager au mieux ses univers avec ses lecteurs.
C'est aussi une approche presque cinématographique de l'ensemble (on imagine grâce aux mots et notre esprit transforme tout ceci en petit film), voir une certaine vision interactive que ne permet pas toujours le support papier. En bref, on dépoussière le mythe sacré de la lecture, on bouscule un tant soit peu les éléments et nous voilà avec un concept vieux de plusieurs siècles, mais revu avec un brin de modernité.

Un style d'écriture facile à lire, qui nous emporte un gros siècle en arrière, mais tout en restant dans notre douce France.
Soulignons aussi le talent pour dépeindre la Paris du début du  XX ème siècle, celui de cette exposition universelle de 1900. On sent que beaucoup d'éléments de la vie quotidienne sont en train de changer (les lampadaires sont au gaz et de plus en plus à l'électricité, les voitures se font plus nombreuses, même les courants littéraires changent, évoluent). En bref, c'est toute la société qui évolue à un rythme d'enfer.
Maxime Chattam réussit à nous dépeindre tout ceci sans que cela ne paraisse complètement démodé. Au contraire, on est presque époustouffé par autant de modernité.

L'intrigue en elle-même est prenante. Je déplore juste que certaines aides tombent un peu trop à poing nommé, c'est presque un peu trop évident, mais pour le reste, tout est bon.
L'univers des maisons closes (remis un peu sur le devant de l'actualité avec la série télévisée sur Canal +  en septembre, l'an dernier, le débat sur une réouverture possible de ces lieux de charme…etc) est propice aux mystère, aux non dits, aux suspens. C'est une bonne idée de l'auteur pour situer son roman. C'est un peu sulfureux, sombre à souhait.
On est donc dans un bon thriller historique avec quelques pointes de gothique (volonté esthétique ?). J'aime vraiment beaucoup.

Les personnages sont assez bien dépeints eux-aussi. J'ai eu un faible pour celui de Faustine car elle est assez pragmatique, logique, mais avec une pointe de folie dans ses décisions. Elle est impulsive, têtue, cultivée et d'une beauté peu commune.
Guy m'a laissé plus de marbre. Je pense que si je l'avais réellement côtoyé, il m'aurait agacé. Je l'ai trouvé effectivement lâche, sans véritable relief, parfois, trop pédant et à la limite de l'inconscience (de la bêtise profonde). Ceci étant dit, il a de belles manières et a tout de même quelques beaux éclats de génie. Tout n'est pas à jeté en lui, loin de là.
Quant à Gibaiko qui garde et protège la maison close, son personnage est au final peu présent. C'est un peu dommage car il offrait pas mal de possibilités. Seront-elles mieux exploitées par la suite ? Je croise les doigts car il apporte une touche exotique en dehors de tout ce que l'on pouvait voir au sein de l'exposition universelle qui est également fort bien dépeinte.

Le titre de l'ouvrage prend tout son sens une fois la lecture terminée. Pour une fois, on n'a pas l'impression qu'il a été choisi à la dernière minute sur un coup de tête ou juste pour être plus dans l'air du temps, plus racoleur.
Reste que la fin, si elle n'est pas mauvaise, ne m'a pas complètement séduite. J'ai eu l'impression que cela allait trop vite, que c'était du déjà vu (lu). Mais l'ensemble du livre reste plaisant, à lire donc et  je dirai que je pourrais me laisser de nouveau tenter par un ouvrage de Maxime Chattam et pourquoi pas avec la seconde partie de ce dytique ?




Et s'il fallait mettre une note : 13 / 20



Bonus :


Une vidéo avec une biographie de Maxime Chattam (une fort belle présentation globale qui ne peut que vous allécher), mais pas seulement. vous trouverez environ 10 minutes d'informations pour mieux cerner l'auteur et ses livres : http://www.web-tv-culture.com/leviatemps-de-maxime-chattam-212.html?xtor=RSS-1290

Maxime Chattam nous présente son livre, avec quelques explications sur le thème, ses raisons : http://www.youtube.com/watch?v=2xgfUsw1zw0

Une rencontre avec l'auteur lors d'une séance de dédicace de ce titre : http://www.youtube.com/watch?v=JRx1LiGOPHo