Le livre :
La vie mode d'emploi de Georges Perec aux édition Le livre de Poche, 7€60, 641 pages.
Pourquoi cette lecture :
Avec un titre pareil, on ne se sait pas trop à quoi s'attendre véritablement : "La vie mode d'emploi".
Faire plus large, vaste et sans limite, me semble compliqué, voir même impossible. Mais justement, ce qui me plait dans la vie, c'est de repousser les limites. Je ne suis pas du genre très courageuse, ni aventureuse, mais grâce à mes lectures, je fais des découvertes surprenantes, déroutantes, uniques parfois. Et la cerise sur le gâteau, c'est que c'est sans risque sauf peut-être mon déficit chronique de sommeil qui ne cesse de se creuser.
Prix Médicis en 1978, "La vie mode d'emploi" n'est pas réellement un roman, mais une succession d'histoires qui s'imbriquent plus ou moins bien entre elles et qui tissent alors des romans. C'est le concept du tout en un (sorte de couteau Suisse de la littérature !).
Je n'avais jamais rien lu de cet auteur, Georges Perec auparavant. Je ne connaissais même son existence, c'est dire mon ignorance ! Je suis une grosse lectrice, mais hélas, mes lacunes sont des gouffres que je ne pourrais jamais totalement combler.
Peut-être est-ce parce que je ne suis pas non plus une verbicruciste car oui Georges Perec était un écrivain, mais également verbicruciste français.
Né en 1936 à Paris, il mourut à Ivry-Sur-Seine en 1982. La consécration viendra justement avec le titre dont je vais vous parler aujourd'hui : "La vie mode d'emploi". C'est sans nul doute parce que dans cette oeuvre, il a atteint le sommet de ce qui caractérisait son style, à savoir qu'il maniait avec délectation les contraintes formelles littéraires ou même mathématiques. Comme quoi les deux ne s'opposent pas toujours.
Une lecture donc pour moi classée sous le signe de : il est temps que je me "culturationne" un peu de temps en temps.
L'intrigue ?
Elle n'est pas aisée à résumer car comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas un simple roman avec un seul récit, mais bien une énorme somme de petites histoires qui misent bout à bout en constitue une fresque immense.
Disons donc que tout se passe dans un immeuble situé au numéro 11 de la rue Simon-Crubellier dans le 17 ème arrondissement de Paris. Il semblerait bien que le nom de la rue soit tout droit sorti de l'imagination de l'auteur.
Georges Perec va évoquer les habitants de cette bâtisse, tous, mais va aussi s'attacher à décrire les objets que l'on y trouve et raconter les histoires qui relient les uns avec les autres. L'ensemble se déroule sur un laps de temps assez long, pas moins d'un siècle : 1875 - 1975.
Ce que j'ai pu penser après ma lecture ?
Je trouve tout d'abord que la couverture de l'édition de poche que j'ai eu la chance de lire est fort bien réalisée. Ce n'est pas toujours le cas et cela mérite d'être souligné. Le Livre de Poche a choisi la lithographie de Lavielle sur une composition de Bertail, "Etages du monde parisien". Elle fut publiée pour la première fois chez Hetzel dans "Le Diable à Paris", puis reprise dans l'Illustration du 11 janvier 1845.
On découvre la vie qui règne dans un immeuble qui ressemble à celui que l'on retrouve dans le roman de Georges Perec. Les personnages y sont plus ou moins actifs, on lève le voile sur un pan de leur histoire, les liens qui peuvent unir les différents occupants. Le lecteur de "La vie mode d'emploi" devient un peu un "Super" concierge intemporel de ce microcosme ! Afin d'éclairer mon propos, rien ne vaut mieux que cette citation de la préface du livre signé Bernard Magné :
"J'imagine un immeuble parisien dont la façade a été enlevée… de telle sorte que, du rez-de-chaussée aux manssardes, toutes les pièces qui se trouvent en façade soient instantanément et simultanément visibles. Le roman… se borne… à a décrire les pièces ainsi dévoilée et les activités qui s'y déroulent…"
Chaque chapitre est réservé à une pièce, une histoire. La longueur en est variable, mais ce procédé d'écriture démontre la rationalité dans laquelle s'est plongé l'auteur. On est bien là en présence d'un esprit logique, qui raisonne tel un mathématicien, qui cloisonne dans un premier temps, puis qui croise ses données pour obtenir un résultat final que je ne dévoilerai pas !
Les détails sont omniprésents et concernent aussi bien les protagonistes que les lieux, les objets qui s'y trouvent. On nous plante le décors de façon magistrale, assez unique. Pour un peu, on pourrait respirer les odeurs de chaque mini univers qui se présente à nous. On est dans l'orfèvrerie de la description car c'est soigné, précis et beau (même pour des banalités). C'est tout un art que de décrire sans ennuyer le lecteur et sur ce plan, je puis vous dire que je ne suis guère patiente. J'adore sentir l'espace où évoluent les personnages, mais trop de détails tue parfois (souvent) le récit. Ici, ce n'est pas le cas et la raison qui empêche le lecteur de se noyer dans cette masse d'informations; c'est qu'effectivement chaque détail a ou aura son importance.
On voyage dans le temps car l'intrigue n'est point linéaire. Rassurez-vous, ce n'est pas perturbant et au contraire, cela aide à la compréhension des liens qui unissent ou non les différents protagonistes.
Même chose pour le rythme même de l'écriture de Georges Perec qui varie au fil des chapitres. Tantôt lent, trainant en longueur, puis tout en accélération plus ou moins brutales pour fournir au lecteur des "révélations". Comme la vie qui effectivement ne suit pas toujours une route toute tracée, mais passe par des chemins de traverses plus chaotiques.
On peut choisir de tout lire d'un bloc ou de compartimenter ses lectures. On peut donc ainsi suivre ses désirs, s'attacher plus à certaines destinées qu'à d'autres. Ce livre est multiple et offre donc des niveaux de lecture tout aussi nombreux.
J'ai tout lu à la suite car j'étais un peu prise par le temps, mais je pense que l'on gagne à lire par petite touche "La vie mode d'emploi". L'ensemble est plaisant, mais un siècle "d'histoires", c'est un peu lourd car c'est du condensé. On doit beaucoup plus apprécier de prendre son temps et de découvrir, comme dans la vie réelle, les petites intrigues de chacun, ces petits secrets. Une sorte de feuilleton avec des épisodes à découvrir chaque jour, mais largement un cran au-dessus de "Plus belle la vie " (désolée pour les fans).
Des outils sont gracieusement mis à notre disposition :
- un plan de l'immeuble avec les noms des occupants.
- un gros index car les références fourmillent elles-aussi.
- une belle chronologie pour suivre l'histoire plus personnelle des différents protagonistes.
- un rappel de certaines histoires relatées dans cet ouvrage (pour ceux qui choisirai une lecture plus thématique et de faire des choix dans les 99 chapitres de "La vie mode d'emploi".)
Un véritable petit pavé en format de poche, mais que cela ne vous décourage pas. Cela se savoure, cela se découvre et on y prend vraiment du plaisir (surtout si on le lit calmement, à un rythme lent pour en apprécier tous les détails).
Un petit pavé à ne pas jeter dans la mare donc…
Et s'il fallait mettre une note : 14 / 20.
1 commentaire:
me demande quand je vais l'exhumer de la PàL ?
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