mardi 9 mars 2010

Belle escapade (1ère partie) de Baux Francis


D'ordinaire, je ne publie ici que des chroniques, des modeste "critiques", mais le titre de l'une d'elles a interpellé un de mes lecteurs, écrivain à ses heures. Il a alors pensé à une nouvelle et m'a demandé s'il était possible de la diffuser. J'ai accepté avec joie car je suis une amoureuse des chats et rien que pour cela, mon accord était déjà accordé.

Je vous invite donc à découvrir cette nouvelle en 2 parties (pour plus de lisibilité) et à féliciter son auteur, Baux Francis, si cela vous a plu.

Bonne lecture...

1

« Chat alors », vous n’allez pas me croire !
Pourtant le récit de cette aventure extraordinaire m’a été confirmé par Belle, ma chatte de gouttière qui ne ment jamais.
Ce jour là, comme à l’accoutumé mademoiselle pattes de velours partit faire sa tournée des toits du quartier afin de prendre les nouvelles du voisinage. Seulement il pleuvait et avec les gouttes d’eau qui roulaient sur les tuiles elle fit une glissade qui la conduisit dans une impasse. Heureusement pas de bobo pour belle mais une grande frayeur juste avant de constater après sa chute, qu’elle se trouvait enfermée dans une sorte de puits de lumière ou seul l’ouverture d’une porte de cave offrait une issue possible.
Elle s’y engageât avec mille précautions comme le font les chats. Après la pluie vient le beau temps puisque miracle la cave débouchait sur un garage dans lequel se trouvait une somptueuse limousine, grande comme une voiture américaine. Belle en fit le tour et pu constater qu’une vitre ouverte lui permettait de pénétrer à l’intérieur du véhicule. Quel confort offraient les sièges moelleux de la banquette arrière qui invitait au repos. La chatte s’installa dessus ce lit improvisé, sans plus attendre, afin de se remettre de ses émotions. Tellement bien qu’elle s’endormit !

Pendant ce temps là les Machin, propriétaires de la voiture préparaient sur la carte routière leur voyage.
-Je crois qu’il faudrait passer par les petites routes qui sillonnent les Alpilles car à cet endroit la nature est surprenante de beautés cachées.
Pierre Machin aimait ces petites escapades qui pour une journée vous conduisent vers d’autres horizons.
- Tu as raison et pour ce type d’excursion je vais préparer un repas froid afin que nous puissions explorer la nature sans se soucier de chercher un restaurant.
Le couple des Machin s’entendait parfaitement et eux aussi ronronnaient du plaisir partagé à l’idée de ce petit voyage. Ils avaient la chance de résider, du côté de Tarascon, pas bien loin de ces routes provençales qui sentent bon de toutes les odeurs de la nature.

Belle dormait, les voyageurs d’un jour se préparaient.




2

Munis d’un panier, d’une petite glacière ils fermèrent la porte de leur maison soulagés de constater qu’en effet cette giboulée du mois de Mars n’avait pas de suite dans ces ondées.
Pierre ouvrit la porte du garage et au même moment Belle se réveillât comme mystérieusement alertée par le grincement des battants du portail sur les gongs. Rapide et souple la chatte se cachât sous la banquette comme par reflexe car elle savait ben que « tout le monde n‘aime pas les chats » comme lui disait ses maîtres et sauveurs qui l’avaient recueillis et adoptée le même jour alors qu’elle n’était qu’un bébé. Elle se souvenait de cette époque où vivant dans la grande précarité sur les toits des Baux de Provence elle se pelotonnait le soir en regardant, le ventre vide, défiler les petits nuages poussés par le vent qui dans la région passent sans faire leurs gouttes de pluie.
Maintenant aplatie sous le siège conducteur elle pouvait à peine y loger car elle était bien nourrie et avait pris des formes. Elle ne savait pas encore que cette aventure de la glissade allait provoquer autant de rebondissement dans sa vie de félin. Revenir sur les lieux de sa naissance est toujours une expérience bouleversante, même pour les animaux. De toute façon, il faut sans doute le préciser maintenant Belle est un chat « surdoué » qui d’après le vétérinaire devrait bientôt avoir l’usage de la parole mais l’indication de la date n’a pas pu être déterminée.

-Un jour à la suite d’une grande émotion, elle peut parler, comme vous et moi avait indiqué gravement le spécialiste.
- C’est possible cette chose incroyable dit son maître.
-Monsieur pour les chats de Provence, surtout du côté de Tarascon je ne crois pas qu’ils puissent être empêchés de réaliser quoique ce soit !
-Bien sûr, suis-je ignorant répliqua le maître qui avait lu qu’à Gonfaron , pas bien loin de la nationale 7, que tout le monde connaît, les ânes volaient.
Dans ces conditions il ne voyait pas comme trop surprenant que les chats puissent parler. De toute les façons, il s’agit d’une autre histoire et je préfère continuer la mienne puisque je lai commencée…

La voiture roulait en silence en direction des Alpilles via Fontvieille et les Baux dont je viens de parler et la chatte, belle prisonnière, faisait partie du voyage en classe « voyageur clandestin ». Quelquefois ce sont les meilleures places qui du haut de l’impériale à l’époque, sur la galerie du bus, dans le wagon ouvert destiné aux marchandises permettent paradoxalement de parcourir le mieux les paysages.
Pour le moment ce n’est pas le cas concernant Belle qui est en compagnie de toutes sortes d’ustensiles et de fils, y compris un affreux gilet fluo jaune qu’elle trouve du plus mauvais goût. Il faudrait rester cacher mais si elle pouvait profiter du paysage ce serait tellement mieux. De plus même si comme elle lui a entendu dire ils vont revenir à la maison ce soir, elle

doit anticiper sur une stratégie de fuite. Ce soir au retour, au moment, juste avant que la voiture ne soit à nouveau garée dans le garage elle devra trouver le moyen de sortir pour espérer ensuite retrouver la maison toute proche de ses maîtres. Elle n’aura qu’a écouter LUI siffle comme un merle pour l’appeler et ELLE crie son nom, d’une voix chevrotante qui est facilement reconnaissable.
Donc, dans l’urgence Belle doit rechercher une issue : comment voir sans être vue et préparer sa sortie ?
Notre aventureuse chatte n’est pas à cours d’idée et observant les recoins de la voiture elle aperçoit une possibilité bien tentante. Le panier et la glacière sont sur la banquette arrière car Pierre à connecté son nécessaire de camping à l’allume cigare pour que l’eau du pastis soit fraîche et que le jambon ne transpire pas : ce n’est pas la peine même si on ne va pas au restaurant d’abandonner les bonnes habitudes. De plus, la nourriture est sacrée : on mange si c’est bon sinon alors on jeûne !
Entre les deux, panier et glacière un trou, derrière dans le coin un espace suffisant pour passer la tête …Le reste passera, c’est bien connu des chats surdoués ou non. Que se passera-t-il ensuite, où vais-je me retrouver ce sont des questions que Belle se pose mais philosophe elle se dit en repensant à sa vie de chat instruit et férue de télévision (quand il fait mauvais quelquefois, et que les maîtres ne lisent pas…) elle a visionné des tas de films et « l’Aventure c’est l’Aventure » ; il faut penser avec des références pour s’en sortir.
Elle fonce dans le trou, puis dans l’espace entre le siège et la carrosserie et débouche dans le coffre arrière, c’est curieux il y fait jour comme dans le reste de la voiture et tellement mieux que sous le siège du conducteur. Belle a réussi son opération d’installation pour la suite du voyage.
-J’ai de la chance se dit-elle en constatant l’absence de la plage arrière qui doit être restée dans le garage après un chargement encombrant. Ainsi il fait jour dans ce coffre avec moquette et Belle voyage avec une sorte de toit panoramique : une première classe et incognito.
La cache est idéale, Belle entend tout ce qui se dit, voit tout autour d’elle et ne peut être découverte par les occupants, sauf s’ils devaient utiliser le coffre. Si elle était croyante elle prierait le ciel pour que cela ne se produise pas mais elle est athée. Sa religion est l’humanisme car depuis sa naissance les humains avec qui elle a dû composer sa vie ne lui ont jamais fait de mal.



3

Le spectacle peut commencer, Belle comme dans une loge de théâtre possède le son et l’image.

- Pierre, passes par la route de Maussane car par là, c’est si pittoresque jusqu’à Saint Rémy.
-Oui, Justement je voulais m’arrêter aux ruines de Glanum et prendre quelques photos.

Belle le nez en l’air ne sait pas sélectionner les images qui défilent devant ses yeux de chat. Elle est séduite par le spectacle car comme le dit le poète :
Le paysage dans le cadre des portières
Court furieusement, et des plaines entières
Avec de l’eau, des blés, des arbres et du ciel….
(Verlaine, la Bonne Chanson)
Elle pense que ses maîtres ont bien fait de lui transmettre le sens du beau au moyen de la musique, de la poésie et d’une forme d’épicurisme qui lui permet du haut de ses quatre pattes de chat de contempler la beauté du monde lorsqu’elle la rencontre. Bien sûr cette chatte a du talent mais les cordes sensibles que sont ces moustaches de chat ne vibrent que par l’émotion de la culture transmise.
Dire que certains se donnent « un mal de chien »pour éduquer leurs enfants alors qu’il suffirait de les mettre au contact des belles choses du monde : spectacle gratuit.
Quelquefois, après ce voyage avec Belle nous avons eu des conversations à caractère philosophique suite aux évènements constitutifs de ce récit.

-Regarde on voit déjà un peu du rocher des Baux, celui qui s’élève au-dessus du Val d’Enfer…
-Il paraît que Dante fut inspiré par ces lieux pour sa Divine Comédie
-Lorsque le vent souffle et que les nuages courent à toute vitesse dans le ciel cet endroit est magique. Il me fait peur même …
-Même si je suis là dit Pierre en posant la main sur le genou de son épouse.
Belle qui était pudique se demanda si ces deux n’allaient pas s’arrêter pour des galipettes car dans ce cas, plutôt qu’une telle indiscrétion elle se verrait obligée de miauler, comme on se gratte la gorge, afin de signaler sa présence.
La discrétion, la vertu c’est Chat.







4

Pierre arrêta la voiture sur le petit parc de stationnement qui se trouve, après la Cathédrale des Images, cette magnifique galerie de pierre dans le creux de la montagne. De ce promontoire le regard peut embraser toute la vallée avec un gros plan sur le village des Baux. Le panorama est idéal et Belle peut le voir car par chance -il en faut toujours- la voiture est garée « prête à partir » c'est-à-dire le coffre vers le ravin et le moteur vers la route. Vous observerez ces curieux comportements de la part de personnes inquiètes sans doute pour des manœuvres à venir et qui s’avèreraient délicates à opérer ? Soit, Pierre est un bon conducteur et Belle apprécie au passage la conduite souple et prudente de son pilote.
En y regardant de plus prés il sembla à notre pertinente chatte que cet endroit lui paraissait connu et familier. Ces toits qui ressemblent à d’autres toits pour le commun des mortels évoquent en elle des frissons qui hérissent ses poils : elle ressemble un court moment à un chat électrisé par le magnétisme de l’air. Que transporte ce courant d’air, qu’évoque ce cadre dans son cerveau de chat ? Elle est troublée en en miauler de désespoir car le malaise grandit en elle au fur et à mesure qu’elle promène son regard sur tous ces toits si rose, si pareils aux autres et pourtant ? Elle ressentait ce moment d’une manière bien particulière sans pouvoir dire si c’était agréable, angoissant. Un sentiment indéfinissable pour un chat du moins.

- Tu vois le village d’ici est comme un magnifique premier plan sur le reste du paysage et je trouve que ces entrelacs que dessinent les toits des maisons forment une composition graphique très intéressante pour les peintres.
-Oui ce réseau est repérable si on fait bien attention. Cette vue d’avion devrait permettre à un œil avisé de deviner le nom du village.
-Tu sais, cela n’a rien à voir avec ce que tu dis mais je me souviens que nos voisins, ceux qui ont cette petite chatte amusante avec sa queue en panache…tu vois Pierre ?
- Non pas sûr mais quel rapport en effet avec ce que nous disions …
- Un jour, lors d’une rencontre de voisinage alors que je rentrais à la maison, notre voisine avait une petite chatte qu’elle venait de faire vacciner et dont elle m’a dit qu’elle avait été trouvée sur les toits de ce village par des artisans alertés par ses faibles miaulements de chaton. Ils avaient été sollicités pour savoir s’ils voulaient l’adopter et ils ont acceptés séduits par l’animal et poussés par leur petit garçon.
Je voulais dire que ses toits induisent de jolies histoires, c’est tout.
-Je comprends et je parierais volontiers que la chatte se nomme Belle, en souvenir des Baux ? Pas original mais gentil et amusant.
-Bravo Pierre tu es devin. Elle réfléchit et ajouta : « tu n’aurais pas entendu la voisine appeler Belle qui reste tard sur les toits les soirs d’été » mon cher écornifleur !
-Non je t’assure c’est l’idée qui me vient en t’écoutant raconter.

5


Ils étaient restés non loin de la voiture, laissant les vitres ouvertes et avec le vent qui soufflait en portant la voix dans cette direction Belle qui oreilles dressées admirait le paysage avait tout entendu.
Quel choc, apprendre de ses voisins le secret de ses origines. Dan sa tête ce fut un électrochoc, rien de moins. Comment avait-elle pu ne pas savoir tout cela alors que depuis quatre ans elle vivait dans cette maison d’accueil. Enfin ce n’est pas grave, une belle histoire mais le savoir incidemment est intolérable. Certaines révélations qui sont fondamentales de l’identité ne souffrent pas de n’être pas entourées de précautions et d’une forme qui rend la nouvelle plus supportable pour celui qui la reçoit.
Belle senti ses coussinets des quatre pattes tous moites et aussi son nez qui chauffait, enfin la fièvre après le traumatisme.

« -ça alors ! »

Pierre et son épouse se sont retournés en entendant cette exclamation pensant trouver derrière eux d’autres admirateurs qui s’exclamaient devant le paysage.
Personne ?
-Tu as entendu Pierre où je rêve ? dit la jeune femme au comble de l’étonnement.
-Mais oui, fit Pierre qui roulait des yeux effarés.
Ils regardèrent aux alentours, il y a des personnes si vives : mais là, tout de même !
Ils se mirent à rire car sans solution si le problème qui se pose n’est pas contraignant alors on passe. Faute de mieux on réfléchit en silence. Après quelques pas sur le site comme pour se dégourdir les méninges, mais sans plus rien se dire, juste avec un sourire perplexe ils revinrent vers la voiture.
Le Val d’Enfer et avec Dante à la clef il s’en passe des choses.

Dans la voiture Belle est au plus mal, elle sait qu’elle a parlé et que les chats ne doivent normalement pas avoir l’usage de la parole. Heureusement ce n’est pas un chat noir. Mais enfin c’est terrifiant pour ce petit animal. Cependant, dans tous les cas il y a la mémoire qui aide ou aggrave ce genre de situation. Elle avait aussi entendu le vétérinaire affirmer :
« Ce chat est surdoué …au cours d’un grand choc émotionnel il pourrait se mettre à parler, enfin les recherches en cours n’interdissent pas de penser que… »
-Voilà, je suis bien avancée maintenant que je parle si je m’exprime vu ma condition on va me faire un sort. Je suis fichue.
Belle qui avait de l’instruction grâce à sa curiosité d’autodidacte savait les tristes récits du temps de l’inquisition et ne croyait pas forcement que cette époque fut révolue. Le soir, avec ses maîtres elle suivait le JT et franchement n’était pas rassurée par l’évolution de l’espèce à laquelle elle n’appartenait pas et se demandait simplement avec terreur si elle POUVAIT lui accorder confiance.
Ses maîtres eux n’étaient pas en cause mais ils n’étaient rien : dans la société moderne de 2009 que représente un couple avec un enfant. Elle se le demande Belle, car l’animal, il ne compte pas dans les statistiques : peut-être pour un agent immobilier qui voudrait vendre un petit appartement avec un jardinet…il ajoute en découvrant la bête « pour le chat ce serait bien » mais pas plus !
Un chat qui parle, je vous dis que « ça craint ».

Je pense donc je suis : « mais je pense à qui et je suis quoi ? » se dit Belle qui n’était qu’un chat. Ce n’est pas si bête attention car l’homme domine le monde : quel homme et quel monde ?
Dés que le chat s’exprime quel désordre pour la morale élémentaire et le politiquement correct.
Vous voyiez si je parle je suis condamnée, c’est sûr.
Aussi péremptoirement que je vous l’écris elle décida donc de garder le silence : pour le moment.

A suivre...

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